Le Lumia 530 pousse encore plus loin que le Lumia 520 la définition de l’entrée de gamme. Pour être franc, même le Lumia 630 peut sembler pour certains un downgrade par rapport à ce même Lumia 520. Est-il besoin que Microsoft Mobile s’obstine à descendre toujours plus bas ? Après tout, les Lumia haut de gamme ne percent pas et le Lumia 520 a déjà démontré que 100€-150€ permet de faire des ventes formidables (meilleurs ventes mondiales pour un smartphone d’entrée de gamme en 2013) sans négliger la qualité de l’expérience utilisateur.
Depuis l’annonce de cet appareil à moins de 100€, les commentaires vont bon train sur ce blog pour se demander si Microsoft n’a pas poussé trop loin les sacrifices pour obtenir un tel prix.
Alerte spoiler : je trouve que Microsoft doit et peut aller beaucoup plus bas.
Quel prix pour la super entrée de gamme ?
J’habite aujourd’hui en Afrique de l’Ouest, après avoir vécu aux US et en France. Contrairement aux pays développés, ici le prix et le prestige restent les principaux critères d’achat (le prix très majoritairement). La très grande majorité des utilisateurs payent leurs communications téléphoniques à la minute ; rares sont donc ceux qui prennent un téléphone avec un abonnement. Le marché des téléphones débloqués est majoritaire, et l’achat a lieu surtout dans des boutiques de quartier.
Les consommateurs en majorité ne se posent pas les questions de spécifications d’un appareil de ce genre. Ils arrivent dans une boutique et annoncent leur budget. S’il existe un smartphone disponible dans leur échelle de prix, alors le vendeur leur proposera cela plutôt qu’un « dumbphone ». Donc quels sont les prix d’achat ici ?
Il y a deux gammes de prix avant de pouvoir atteindre le niveau de l’entrée de gamme Microsoft (100€).
Le roi des smartphones là où j’habite est aussi le moins cher : l’Alcatel Pixi 2, un smartphone à 45€ !! Il a des spécifications relativement similaires au Lumia 520, sauf au niveau mémoire interne (2GB au lieu de 8) de l’appareil photo (2MPix sans autofocus) et de la résolution et taille de l’écran (320×480, 3.5″). Il remplace le Pixi double SIM sorti un an plus tôt, toujours en vente à peu près au même prix, et dont la feuille de spécifications pique les yeux, étant plus proche du Nokia Xpress Music 5800 que d’un Lumia 930 !
Le deuxième plateau de prix est 75€ avec des modèles comme le Samsung Galaxy Fame Lite (rien que le nom fait rêver) ou d’autres modèles Alcatel (encore eux). À ce niveau de prix, on a un OS à jour ou presque (4.1 Jelly Bean), et des spécifications assez similaires au Pixi 2 mentionné plus haut.
Le troisième plateau de prix est – enfin – celui du Lumia 530, occupé pour l’instant par le Nokia X. C’est le premier niveau de prix où l’on retrouve des smartphones double SIM (en dehors du Pixi 1, qui sacrifie encore plus les specs pour cette option), un élément critique pour beaucoup d’utilisateurs ici qui nivellent leur facture téléphonique en jouant sur des cartes SIM de plusieurs opérateurs (une SIM Orange pour appeler les numéros Orange, Airtel pour appeler les numéros Airtel, et Tigo pour appeler les Tigo, etc.). La compétition sur ce segment est plus fournie, avec Huawei et LG qui arrivent en plus d’Alcatel et Samsung.
Dans la rue, chez moi, les Alcatel Pixi et Pixi 2 sont omniprésents. Et on peut clairement imaginer que le Galaxy Fame Lite aura un attrait similaire très bientôt quand son prix commencera à baisser.
Pourquoi parler si longtemps de ces smartphones de marques concurrentes ? Pour mettre en avant le fait qu’il n’existe pas à ce jour d’offre Microsoft permettant de se battre sur ce terrain. Les anciens Asha 50x étaient bien positionnés en termes de prix, mais ils n’ont jamais prouvé que leur utilisateur ait eu ensuite envie d’un Lumia.
Rien que pour permettre de se battre sur ce terrain, il est nécessaire pour Microsoft de proposer un smartphone à un prix encore plus bas. Mais est-ce possible ?
Un Lumia à moins de 100 €, comment faire ?
Tout d’abord, il faut rappeler que Microsoft, contrairement aux petits robots verts, impose un cahier des charges minimum à tout fabricant de Windows Phone, y compris lui-même. Cela assure que l’expérience utilisateur reste à un minimum d’homogénéité au sein de la gamme. Et cela marche : certes, on n’a pas d’appareil photo avec des fonctions très avancées, certaines apps sont plus lentes à charger, l’écran n’est pas lisible en plein soleil et on ne peut pas l’utiliser avec des gants, mais au final, le smartphone se comporte comme il faut : on peut lire ses mails, aller sur internet et écouter de la musique avec une interface réactive. On peut même jouer à 90% des jeux du store !
Le cahier des charges actuel limite par le bas la résolution de l’écran à 800×480, le processeur au S200 de Qualcomm, la RAM à 512MB, et le stockage à 4GB. L’appareil photo doit proposer au moins 5MP, mais ni le flash ni l’autofocus ne sont obligatoires. Il est aussi obligatoire de proposer trois boutons : power, volume up et volume down. Enfin, le smartphone doit proposer au moins la 3G, le Bluetooth et le Wi-Fi.
Si on regarde de près ces spécifications, on voit que le Lumia 530 est déjà au minimum de chacune d’entre elles. Impossible donc de descendre plus bas. Comment ont pu faire Alcatel et Samsung ? Trois spécifications très importantes ont été revues à la baisse : l’écran (faible résolution, plus petit), l’appareil photo (2 ou 3MPix) et la connexion 3G (3G+, mais pas compatible H+).
Il reste selon moi trois points sur lesquels Microsoft pourraient jouer pour descendre encore plus, bas en l’état actuel :
• L’écran : un écran de 3,5″ pourrait être moins cher que le 4″ du Lumia 530
• Single SIM au lieu de double SIM (En fait, le Lumia 530 existe aussi en simple SIM)
• Snapdragon S200 – Double cœur au lieu de quad cœur, comme sur le Nokia X2
Il ne paraît pas sûr que ces ajustements à la marge permettent de descendre en dessous de 80€ en l’état actuel des choses, ce qui ne permettrait même pas d’atteindre le plateau à 75€. Pour pouvoir être compétitif dans la super entrée de gamme, il faut savoir sacrifier profondément les spécifications, en autorisant un écran à très faible résolution, ou un appareil photo très (trop) limité.
La bataille est-elle donc perdue ?
De l’espoir à l’horizon
Tout d’abord, les Lumia sont habituellement un peu chers à leur lancement, et leur prix baisse au fur et à mesure. Le Lumia 520 est sorti à 200€ en France, et on peut le trouver à 100€ un peu partout un an plus tard. Sur une ligne similaire, on peut extrapoler que le Lumia 530 vaudra entre 50€ et 75€ d’ici quelques mois. Mais d’ici là, n’y aura-t-il pas un Pixi 3, un Fame Lite-Lite, et le prix de la super entrée de gamme encore plus bas ?
Nokia a l’expérience de la super entrée de gamme avec ses séries Asha et Nokia X. Maintenant que ses équipes font partie de Microsoft, ils pourront faire entendre leur expertise de ce domaine de façon plus claire, je l’espère.
Ensuite, avec quelques ajustements du châssis Windows Phone (qualifier des SoC mediatek par exemple, prendre des SoC double-cœur un peu has been, des modem sans la H+, autoriser des appareils photos 3Mpix), en plus des quelques ajustements de spécifications proposées plus haut, on pourrait aboutir au premier Lumia 330 (la série des 4xx n’existe pas chez Nokia pour des raisons de superstition : dans certaines régions du monde, le chiffre 4 est un mauvais chiffre).
Et vous, comment feriez-vous pour atteindre la barre des 50€ pour un Lumia ? Pensez-vous que ce soit un challenge que Micrososft peut relever ? Pensez-vous que le marché de la super entrée de gamme soit intéressant pour Lumia ?