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[Opinion] Le marché américain : un mal nécessaire pour Nokia ?

Nokia affirme que son avenir passe par les États-Unis, que c’est un marché clé qui permettra de remporter plus de popularité dans le Monde entier, que ce pays a une aura qui s’étend un peu partout… et qu’il faudra donc passer par là. Certains pensent que Nokia a raison d’insister, d’autres pensent qu’ils ont tort.

Voici quelques éléments qui peuvent justifier ce choix, et d’autres qui peuvent aussi le remettre en question.

POUR

Les Etats-Unis, un des marchés les plus avancés au monde

Autrefois, le Japon avait donné le ton de l’avancée mobile (web mobile dès la fin des années 90), puis l’Europe (les années 2000, avec la 3G et la folie des photo-phones). Aujourd’hui, c’est au tour des US d’être à la pointe. Les américains profitent en effet de la 4G depuis longtemps : WiMax sur Sprint dès 2008, le LTE sur Verizon depuis 2010, le H+ sur AT&T et T-Mobile depuis 2010, et le LTE sur AT&T depuis 2011. De plus, la poussée des réseaux 4G a apporté des changements de la part des consommateurs, qui se ruent sur les smartphones (la barre des 50% d’usagers a été franchie en 2012, les 60% ont été passés en juin 2013) ; au point que désormais certains opérateurs ne proposent presque plus de dumbphone avec leurs abonnements (1 seul modèle chez T-Mo).  De plus, les américains sont les plus gros consommateurs d’apps, de musique et vidéo numérique, ainsi que de livres électroniques et audio (aux US, 1 livre vendu sur 3 est électronique). Par exemple, Google réalise 55% de son chiffre d’affaires aux États-Unis.

Le marché le plus avancé du monde est celui dont les produits phares ont le plus d’influence. Aujourd’hui, c’est sans conteste les États-Unis.

Les écosystèmes smartphones sont américains

En 2007, les OS mobiles américains (iOS, Win Mobile) détenaient seulement 18% du marché du smartphone mondial. Aujourd’hui, c’est un renversement total : les OS américains (Android, iOS, WP) représentent 97% du marché mondial. Non seulement les OS et les stores viennent des US, mais aussi les moteurs de recherche, les services de cartographie (rappel, HERE est le nouveau nom de Navteq, basé à Chicago) et les réseaux sociaux (FB, Twitter, Instagram, G+, etc…). Sans parler des fournisseurs de solutions semi-conducteurs : les deux leaders Qualcomm (processeurs, modems 4G) et Broadcom (modem wifi, bluetooth) sont des sociétés américaines. Les dernières innovations sont donc d’abord explorées sur le sol américain, et une présence dans la Silicon Valley est pratiquement indispensable pour un acteur du mobile, s’il veut pouvoir se faire remarquer des autres acteurs ; c’est d’ailleurs pourquoi Nokia USA a quitté l’état de New York pour la Californie en 2011.

Il faut être au plus près des fournisseurs logiciels et hardware pour pouvoir influencer le marché, et pour l’instant c’est aux US que ça se passe.

Le type d’abonnement téléphonique privilégie le haut de gamme

Les abonnements téléphoniques US sont très majoritairement des plans sur deux ans, avec des mobiles subventionnés. De plus, la vente par les opérateurs représente plus de 90% de la distribution américaine. Les téléphones les plus chers valent seulement $300 (~225€).  A ce niveau de prix, la différence est trop faible avec le bas de gamme pour laisser la place aux smartphones de milieu de gamme. On observe ainsi que les consommateurs se portent surtout vers les téléphones haut de gamme. Si on devait faire le rapprochement avec ce qui a été observé avec les Lumia, les milieux de gamme 620 et 720 n’ont même pas étés lancés aux US chez les opérateurs.

Un marché tourné sur le haut de gamme principalement est une vitrine idéale pour tout smartphone “flagship”.

 

CONTRE

C’est un marché peu transparent, dominé par les opérateur mobiles

Les opérateurs sont tous puissants sur le sol américain. Ce sont eux qui décident ce que les consommateurs vont acheter (90% des ventes passent par eux), et ils choisissent aussi quelles marques ils vont promouvoir, imposent d’avoir des téléphones exclusifs. Seul Apple a réussi à tordre le bras des opérateurs, en imposant ses propres conditions ; même Samsung s’est plié aux demandes de Big Red (Verizon) et les autres. Vers 2007, Nokia avait annoncé vouloir briser cet état de fait, en refusant les téléphones customisés,  et n’avait que réussi à se faire bannir par trois opérateurs sur quatre.

De plus, les quatre réseaux ne sont pas compatibles entre eux : un téléphone Verizon ne marche pas sur AT&T et vice-versa. Sprint et Verizon passent par la norme CDMA, tandis que AT&T sont sur GSM. Pire : chaque opérateur travaille en plus sur des fréquences différentes, donc même les mobiles de  T-Mo et AT&T ne sont pas interchangeables. Ces particularités techniques sont incompréhensibles pour l’utilisateur final, qui donc ne peut pas exercer sont droit à faire jouer la concurrence.

L’opérateur T-Mobile a lancé il y a quelques mois une offre “à la Free Mobile”, mais en ne proposant au final qu’une baisse de 20% en moyenne, ce qui a eu assez peu d’impact auprès des consommateurs américains.

Et à cause des situations d’exclusivité, on arrive au comble que sont les Lumia 900 et 1020, disponibles en exclusivité mondiale sur AT&T pendant trois mois avant leur arrivée dans le reste du monde.

L’image de Nokia y est (était?) déplorable

A cause du blocus anti-Nokia des opérateurs en 2007, la part de marché de Symbian est rapidement tombée en dessous de 1%. Et seuls les dumbphones Nokia étaient encore vendus, avec des offres prépayées. L’image de marque de Nokia s’est rapidement détériorée pour devenir la marque has been par excellence. Pour illustrer, je me souviens d’un tweet durant le superbowl 2012 : “Ils font encore des téléphone Nokia ?”.

De plus, pour pouvoir revenir sur le marché américain, Nokia a du accepter de faire des smartphones customisés pour chaque opérateur (Lumia 810, 822, 928, etc…), chose que HTC et Samsung font finalement de moins en moins, après des années de diktat : le prix du pardon j’imagine ?

Aujourd’hui les choses vont mieux pour Nokia, même si ce n’est pas encore gagné (il apparait que les vendeurs ne savent toujours pas promouvoir les Lumia dans les magasin opérateurs).

Cela enlève des ressources pour les autres marchés.

Le marché américain est un marché de très forte concurrence, où le consommateur est en permanence sollicité par la publicité. Toute campagne de communication doit être juste énorme pour espérer obtenir un impact. Le budget marketing dédié aux US est le plus important chez Nokia aujourd’hui.

A cause de la situation avec les opérateurs, Nokia doit produire plusieurs modèles au lieu d’un, ce qui coûte plus cher en développement produit (une équipe dédiée à la customisation Verizon, une équipe dédiée AT&T, etc…) et aussi en termes d’allocation dans les usines (cela coûte moins cher de faire beaucoup d’unités d’un seul produit que peu d’unités de trois produits).

S’installer sur le marché américain coûte cher en budget et en profit, et retire des ressources pour garder de l’influence en Europe, en Inde ou en Chine. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

 

Conclusion

De mon point de vue, le marché américain est bien trop crucial sur le haut de gamme, et doit être prioritaire sur tous les autres. Êtes-vous d’accord avec moi ? Pensez vous que la bataille pour la marché US est un mal nécessaire ?

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